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mar., 25 nov. 2014 10:55:00 +0000

Faux répertoires et vraies arnaques: l'imagination des escrocs est sans limite

L'exemple de Michelin qui se serait fait dérober 1,6 millions d'euros par la méthode dite de « l'escroquerie au Président », en est la démonstration la plus récente.

L'une des arnaques les plus ingénieuses consiste, depuis plusieurs années et toujours actuellement, à faire croire aux patrons novices qu'un certain nombre de formalités sont obligatoires, que des inscriptions sur un répertoire sont indispensables, pour les obliger à verser des sommes d'argent qui, généralement, sont de l'ordre de 200 à 300 euros HT, mais peuvent atteindre près de 1.000 euros par an.

Depuis plusieurs années, de nombreux créateurs d'entreprises sont ainsi victimes d'escroquerie peu après avoir déclaré leur activité.

Beaucoup reçoivent des lettres provenant de sociétés dont l'acronyme est RCS, laissant croire qu'il s'agit du Registre du Commerce et des Sociétés.

Elles leur demandent de payer des compléments pour leur inscription.

Les jeunes chefs d'entreprise qui se sont fait délester de quelques centaines d'euros, s'interrogent pour savoir comment leurs données personnelles ont pu être récupérées par ces officines qui fleurissent.

La réponse est malheureusement simple : les coordonnées des créateurs d'emplois ont été obtenues le plus légalement du monde.

On peut les obtenir gratuitement sur le site du BODACC mais également sur l'annuaire des entreprises de France que vend la CCI France ; le fichier SIRENE de l'INSEE est le plus exhaustif : il recense toutes les créations d'entreprises, y compris celles des artisans, commerçants, libéraux et auto-entrepreneurs.

L'on peut également obtenir sur Infogreffe la liste de toutes les entreprises qui viennent de s'immatriculer au Registre du Commerce et des Sociétés.

Une fois les informations collectées, le modus operandi est approximativement toujours le même.

Ces officines utilisent des mots accrocheurs tels que registre, Kbis, répertoire et utilisent des formulaires d'adhésion qui ressemblent à s'y tromper à ceux réellement obligatoires transmis par les administrations ou organismes officiels tels que l'URSSAF ou le RSI.

Ces formulaires comportent, selon les cas, des dates limites de règlement, les coordonnées précises de la société, parfois un code barre, les couleurs tricolores, une Marianne, un bulletin prédécoupé pour la réponse et l'envoi du règlement.

Pour le jeune chef d'entreprise qui reçoit ce document, il est évident que l'inscription est obligatoire et qu'il s'agit bien d'une cotisation supplémentaire à régler.

Certaines officines s'en prennent aux entreprises en difficulté pour leur demander de cotiser à un répertoire des entreprises en redressement judiciaire et ce, à peine de radiation si le règlement n'est pas effectué sous 8 jours !

Parodiant Audiard, on pourrait dire que « les escrocs, ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît ».

Certaines officines, certainement bien conseillées, mentionnent dans leurs conditions générales de vente au verso, en caractères réduits, qu'il s'agit d'une offre facultative à but publicitaire qui n'a rien à voir avec le Registre du Commerce et des Sociétés ou Infogreffe.

Certaines d'entre elles ont des sièges sociaux prestigieux, à quelques pas du Palais de l'Elysée par exemple.

D'autres préfèrent se domicilier dans le sud de l'Espagne ou à Belize.

Certaines disparaissent et se recréent sous un autre nom dans un autre ressort géographique.

Ce sont à ce jour des dizaines de faux répertoires et organismes qui ont été répertoriés et dénoncés, souvent à l'initiative des vigies que sont les Greffiers des Tribunaux de Commerce.

Les juridictions pénales sont saisies et de nombreuses décisions de justice ont d'ores et déjà été rendues, de lourdes condamnations ont été prononcées.

Ces officines, si elles n'ont pas été entre-temps liquidées et leurs dirigeants, sont le plus souvent condamnés des chefs d'escroquerie ou de pratiques commerciales trompeuses.

Mais lorsque ces affaires sont présentées devant des Juges, le mal est malheureusement déjà fait ; ce sont des milliers de chefs d'entreprise qui ont payé par erreur des sommes qu'ils pensaient obligatoires et le chiffre d'affaires réalisé par ces escrocs dépassent plusieurs centaines de milliers d'euros, parfois plusieurs millions d'euros.

Le Conseil National des Greffiers et des Tribunaux de Commerce et le GIE Infogreffe interviennent systématiquement aux côtés des entrepreneurs qui ont décidé de se porter partie civile pour obtenir réparation.

Seule une information sur ces pratiques, une publicité généralisée des décisions de justice rendues (dès lors qu'elles sont définitives) permettront de réduire le nombre des arnaques mais il est à craindre que de nombreux jeunes chefs d'entreprises se fassent encore surprendre par l'ingéniosité de ces escrocs.

Ce billet a été publié le 6 novembre 2014 sur le site web du Huffington Post.